La Bête du Gévaudan est une histoire qui enflamma le royaume de 1664 à 1767. Mais y avait-il un loup ? Plusieurs ? Un loup et un homme ? Des conjectures mais peu de preuves, des faits toujours aussi mystérieux. François Fabre livre ici un récit complet, sans doute le plus intéressant après celui de l’abbé Pourcher.

EXTRAIT

“La Bête du Gévaudan, un peu dans tous les milieux, est généralement regardée comme un mythe fabuleux, et son histoire comme une légende fantastique, capable, tout au plus, d’intéresser les petits enfants.
L’égide mystérieuse qui semblait la protéger contre les balles, cette facilité qu’elle avait de se dérober aux battues, ces nombreux méfaits commis en si peu de temps, en des lieux éloignés l’un de l’autre, la terreur superstitieuse qui l’environnait, et les descriptions fantaisistes qui se répétaient et s’imprimaient, avaient fait d’elle un monstre extraordinaire dont les traditions, à travers les années écoulées, ont dénaturé davantage encore la personnalité.
D’autre part, le roman et le drame s’en sont emparés et lui ont donné un caractère d’invraisemblance difficile à faire disparaître.
Pourtant, hélas ! Aucune réalité ne fut plus vivante et plus tristement constatée ! Les registres des paroisses, les correspondances diverses, les documents les plus authentiques attestent, de la manière la plus irréfragable, la vérité de son existence.
N’y avait-il qu’une seule Bête ; ou faut-il croire à la pluralité d’animaux malfaisants qui firent à cette période une sinistre illustration ?
Nous ne préjugeons en rien la question : au lecteur de se prononcer après avoir parcouru ces courtes pages, s’il les juge dignes de quelque intérêt. [...]”

ISBN 9782851221087

Imaginaire n°584
mercredi 20 décembre 2023
inspirée par
“Horreurs en Gévaudan, 1764-1767”
de François Fabre
 
L’élevage, c’est quelquefois tuant !
 
QUEL CADEAU !
 
— Friedrich, où est Gisèle ?
— Je l’ai laissée tout à l’heure dans le champ du père Hantz, papa.
Klaus, qui a offert pour Noël, une chèvre à son fils, est déjà un peu inquiet quant à sa capacité à bien s’en occuper.
— Tu as été la voir au moins ?
— Oui papa... tu sais, je n’ai plus huit ans.
Son père sourit.
— Je sais, mais ce n’est pas parce que tu viens de fêter tes seize ans que je ne m’inquiète plus.
— Je finis mes devoirs et je vais la revoir ; ça te va comme ça ?
— D’accord, mais ne tarde pas trop, la nuit va tomber rapidement.
Friedrich continu la copie qu’il doit rendre le lendemain.

***

— Else, tu as vu Friedrich ? Il devait aller voir sa chèvre, Gisèle.
— Oui mon chéri, je l’ai vu partir il y a déjà deux heures.
Le père de famille, alarmé, fronce les sourcils.
— Je vais aller voir, il fait déjà nuit.
— Bien, bien, mon amour, on dînera dès votre retour.
Il embrasse sa femme et sort précipitamment.

***

— Friedrich ! Friedrich ! crie-t-il en éclairant de sa lampe torche le champ de leur voisin.
Quelques instants plus tard, Hantz, leur voisin, surpris des appels de son ami, le rejoint.
— Qu’y a-t-il, Klaus ?
— Je ne vois pas mon fils, il devait venir voir Gisèle dans ton champ pour s’en occuper.
— Ah oui, je l’ai vu avec elle il y a moins d’une heure. Gisèle semblait énervée.
Le père tourne la tête vivement vers son voisin.
— Comment ça, “énervée” ?
— Je ne sais pas, elle était très agitée à ce que j’ai vu. Mais je ne e suis guère plus questionné que ça, d’autant que je devais m’occuper de mes vaches, comme tous les soirs.
— Ah, merde !
Klaus vient de buter sur ce qu’il pensait être une bûche. Il baisse la torche électrique... ce qu’il voit le stupéfait d’horreur.
Le faisceau lumineux lui montre seulement un bras ensanglanté. La main est crispée et tient une touffe de poils blancs.
— FRIEDRICH !
Il tombe à genoux et prend le bras en pleurant, le caressant contre sa joue.
— Friedrich... oh Friedrich...
Il relève la tête, la tournant en tous sens, guidé par la lumière de sa lampe.
— Je me demande où est passée la Gisèle, dit le voisin Hantz en se grattant la tête.
— Une chèvre ne peut pas faire ça ! implore le père, toujours tenant le bras comme si c’était son enfant.
— Non, effectivement. On y verra mieux demain.
Klaus, se relève en fureur.
— Pas question ! Je vais téléphoner aux flics, aux pompiers, à l’armée... je veux savoir !

***

Une sorte de grognement qui n’a rien d’humain se fait entendre derrière un fourré.
— Capitaine ! Capitaine... vous avez entendu ?
— Oui, certainement un chien vagabond qu’on aura dérangé dans sa chasse nocturne, Günther.
Klaus, qui lui aussi a entendu cet étrange bruit, se rapproche du fourré, lampe torche en avant dans une main et une batte de baseball dans l’autre.
Il frappe les branches nerveusement.
— Allez, viens là le clebs !
Soudainement, sa lumière éclaire la tête aux dents acérées, dégoulinantes de sang frais. Deux yeux rouges luminescents.
Il reconnaît, ou plutôt, il s’aperçoit que c’est... la chèvre ! Le corps déchiqueté de Friedrich à ses sabots, qu’elle était en train de manger.
Surpris par cette vision d’horreur, il ne peut plus bouger. Tandis que Gisèle, remise plus rapidement de cette rencontre, se cabre pour lui sauter dessus, les babines retroussées.
— Attention, monsieur, crie Günther, le policier le plus près de lui, arme au poing.
Gisèle, d’un saut fantastique, se rue sur Klaus, voulant lui déchirer la gorge. Heureusement, au même instant, le policier tire toutes balles de son arme de service sur la bête sauvage, qui stoppée dans son élan, retombe juste à côté de la proie qu’elle tentait de tuer.
Quelques instants plus tard, alors que la chèvre semble retrouver son allure de caprin normal, il y a autour du cadavre une dizaine de personnes.
Le Capitaine, après avoir félicité Günther, se retourne vers le père de la victime.
— C’est étonnant d’avoir une chèvre et une seule, monsieur.
— C’était mon cadeau de Noël pour mon fils.
— Il aurait été plus sage de lui offrir un cochon d’Inde...