Roman d'anticipation de fin du monde par l'un des plus grands auteurs de langue anglaise. Un chef-d'œuvre !

EXTRAIT

“Le chemin, à peine tracé, suivait ce qui avait été jadis le remblai d’une voie ferrée, que depuis bien des années aucun train n’avait parcourue. À droite et à gauche, la forêt, qui escaladait et gonflait les pentes du remblai, l’enveloppait d’une vague verdoyante d’arbres et d’arbustes. Le chemin n’était qu’une simple piste, à peine assez large pour laisser passer deux hommes de front. C’était quelque chose comme un sentier d’animaux sauvages. Çà et là, un morceau de fer rouillé apparaissait, indiquant que, sous les buissons, rails et traverses subsistaient. On voyait, à un endroit, un arbre surgir qui, en croissant, avait soulevé en l’air avec lui tout un rail, qui se montrait à nu. La lourde traverse avait suivi le rail, auquel elle était rivée encore par un écrou. On apercevait au-dessous les pierres du ballast, à demi recouvertes par des feuilles mortes. Ainsi, rail et traverse, bizarrement enlacés l’un dans l’autre, pointaient vers le ciel, fantomatiques. Si antique que fût la voie ferrée, on reconnaissait sans peine, à son étroitesse, qu’elle avait été à voie unique. Un vieillard et un jeune garçon suivaient le sentier.”

ISBN 9782851221384

Imaginaire n°606
vendredi 9 février 2024
inspirée par
“La peste écarlate”
de Jack London
 
L’être humain est son pire prédateur.
 
LE SILENCE
 
Il pleut sur Venise, l’eau se mêle à l’eau, et dans le brouillard matutinal de ce mois de septembre, un homme marche.
Leandro del Monte cherche son amie, Chiara. Elle lui avait pourtant bien dit qu’elle l’attendrait ici, au bord du Grand canal, devant la gare ferroviaire abandonnée.
“2032, quelle année de merde” se dit-il, “mais putain, où elle est... qu’est-ce qu’elle fout ?”
Leandro est inquiet. Il peut à tout moment se faire attaquer... Chiara aussi.
Au loin, dans la ville, quelques bruits de vitres brisées parviennent à ses oreilles.
“Encore des zombs qui s’en prennent à un surv’, il en reste pas beaucoup des comme nous.”
Leandro est maussade. En effet, la communauté scientifique avait bien alerté les “responsables” politiques qu’à force de jouer avec le vivant, l’être humain risquait de déséquilibrer la nature... et celle-ci, sans avoir une conscience réelle, réagit toujours à une “agression”, ou en tout cas à ce qui y ressemble.
Les agro-industriels surtout sont responsables, ils ont poussés à la production toujours plus intensive, et par là même, à l’utilisation de produits phytosanitaires destructeurs. Le pire c’est que tous les autres qui ont suivi, par bêtise ou poussés par des considérations idéologiques.
— Au secours !
Ce cri déchire le rideau de pensées de Leandro. Il a reconnu la voix de Chiara. Il se précipite sans réfléchir dans la direction de l’appel.
Quand il arrive, deux zombs essayent d’attraper la jeune femme, qui dos à un mur, s’est protégée en se mettant derrière un volet de porte.
Leandro sort son coupe-coupe et tranche la tête des deux assaillants qui ne l’ont pas vu venir.
— Chiara !
— Oh, merci Leandro !
— Mais je croyais que tu serais déjà devant la gare, que s’est-il passé au labo ?
— J’ai été retardée, et des zombs nous ont attaqués alors que j’allais venir.
— Ah ! C’est donc les bruits que j’ai entendus il y a peu... mais comment va la professeure Bianca ?
— Elle a été éventrée par l’un des zombs.
— Meeeerde !
— Non... enfin... j’ai pu récupérer La cure avant qu’ils ne la détruisent.
— Tu crois vraiment qu’ils ont compris ce que nous voulions faire ?
— Oui... j’ai bien vu qu’ils cherchaient La cure.
— Ils auraient donc une conscience ?
Chiara sourit, morose.
— Pas exactement, j’ai eu l’impression que c’est plus quelque chose de l’instinct collectif.
— Ça me rappelle ce film des années 70, du siècle dernier... “L’invasion des profanateurs”.
— Ah ? Et il se termine bien ?
— ...Non, mais je...
Leandro et Chiara se taisent d’un coup. Des pas sur les pavés de Venise se font entendre, des pas de course.
Ils se regardent, effarés.
Tenant fermement la fiole de liquide violet, Chiara tente de s’échapper en faisant demi-tour. Mais un zomb lui déchire la gorge avec un long couteau de cuisine. La dernière chose qu’elle voit avant de sombrer dans la nuit éternelle, c’est Leandro, déchiqueté par les dents avides de trois zombs, et une pensée l’accompagne dans la mort :
“Saloperie de peste agricole... on est fini.”
Il pleut sur Venise, l’eau se mêle à l’eau, et dans le brouillard matutinal de ce mois de septembre, les restes de deux humains flottent sur les eaux silencieuses du Grand canal.
Un silence éternel.