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TROISIÈME PARTIE
Peloor

V
- Humanité -


23 décembre 2551.
— Comment se fait-il que nous ayons un problème avec le champ de déflection gravitationnelle active, Sana ?
— L’atmosphère de la planète crée elle-même des perturbations, non pas qu’elles soient réellement dangereuses, mais il se...
À cet instant précis, le vaisseau est secoué, Selamawit se retrouve en apesanteur, commençant à dériver à l’intérieur du vaisseau. Elle essaye de s’accrocher au fauteuil face au timon.
— Meeerde, que se passe-t-il, Sana ?
— Une météorite, heureusement petite, mais suffisante nous a heurtée. J’augmente la distance avec Peloor... je viens aussi de définir quels ont été les dégâts, et il semblerait que...
Tandis que Selamawit retombe sur le sol quelques secondes plus tard, Sana s’interrompt.
— Tu vas bien, Sela ?
— Oui, oui... juste mon épaule qui a tout pris, mais ça va, je survivrai. Quels sont les dégâts ?
— J’allais les énumérer, inutile de revenir sur la perte momentanée de la gravité interne... mais le module de régulation thermique secondaire en secteur 3B, du côté de la pointe de goutte[1], a subi une perforation externe et a dépressurisé le module. Mais le déclenchement des cloisons étanches automatiques a cependant isolé le module.
— À l’arrière donc... envoie une escouade d’autoserv’, Sana.
Bien qu’ayant déjà donné l’ordre à quelques autoserv’ de se mettre immédiatement au travail, Sana fait comme si.
— Oui Sela.
— À la fin de la réparation, tu leur demanderas de venir afin que je les félicite.
Sana semble avoir un ton légèrement surpris.
— Bien Sela...
— Oui, je sais, ça doit encore te surprendre, mais je tiens à ne plus considérer les comsens comme des esclaves.
Un court silence se fait.
— Oui, je comprends de plus en plus grâce à ma part humaine, venant de toi d’ailleurs, qui s’inscrit dans le réel de la vie.
Selamawit ne répond que par un sourire empathique.
— Bien, si on passait à ce qu’il se passe sur Kepl... Peloor ?
— Tout à fait. Il se trouve que depuis hier, et la découverte de cet El Mar Sa, les choses ont empiré.
— C’est-à-dire ?
— L’information a été piratée, et le peuple loor entier est au courant de leur fin inéluctable... dans plus de cent mille ans.
— Oui, je me souviens... mais tu es sûr qu’ils ne peuvent rien faire ?
— C’est une évidence, contrer un trou noir est scientifiquement presque impossible.
— Sauf pour...
— Oui, même si ça demande une confirmation. Ce peuple Ulbah, sur Kepler 20f, me paraît assez étrange, à ce que j’en sais en tout cas de nos amis Thāl’naï.
— Certes, mais continue, au sujet des loors... que se passe-t-il donc ? Une révolte ?
— “Non... sire... une révolution !”
Une nouvelle fois, goûtant l’esprit farceur de Sana, Selamawit explose de rire.
— Décidément, tu es impayable. Tu commences même à faire du Mel Brooks !
D’un ton amusé, Sana fait un petit rapport des évènements révolutionnaires sur la planète.
*
24 décembre 2551.
Après son déjeuner dans le salon à côté du timon, Selamawit, enfoncée calmement dans son fauteuil, un verre de ce merveilleux whisky d’Oban posé devant elle sur la table basse, respire un bon coup.
— J’ai bien aimé ton exposé sur ton avancement d’étude du pont ER d’hier soir, durant les travaux de réparation du module en secteur 3B. C’est fascinant, ta capacité de faire tant de choses en même temps.
— Merci Sela...
— Mais maintenant, je veux voir ces cinq merveilleux travailleurs qui ont trimé si tard.
— Tu sais, ils n’ont pas vraiment besoin de sommeil !
— Je sais, mais j’aime à les considérer ainsi, Sana. Fais-les venir.
Quelques minutes plus tard, les cinq braves autoserv’ qui ont travaillé sur la coque externe du vaisseau sont devant Selamawit... ils sont inexpressifs.
— Bien, c’est aujourd’hui la veille de Noël, c’est moi qui ferai la mère Noël. Vous allez donc désormais porter, chacun de vous, un prénom, et plus seulement ce matricule horrible.
Elle s’approche du premier, il a des taches de brûlures et des auréoles bleuâtres sur quelques-unes des faces de son cube.
— Toi, tu seras... Jin ! J’ai envie de rendre hommage à cette grande poétesse féministe d’un siècle oublié. Eh hop !
Sana explose de rire, sans être moqueuse, mais plutôt comme transportée par l’humanité de Selamawit à l’endroit de ces cubes sans expression, ni vocabulaire.
Cependant, et ça stupéfie même Sana ; le cube de moins d’un mètre de haut semble tressaillir, secoué de bas en haut comme s’il avait le hoquet.
— Tu as vu ça, Sela ?
— Bien sûr Sana, j’avoue que ça me déconcerte un peu, mais après tout... pourquoi pas.
— Si tu le dis... ces petits autoserv’ sont vraiment étonnants.
Selamawit n’écoute plus Sana, elle regarde Jin, cherchant un sourire inexistant, des yeux joyeux... elle lui tapote gentiment sa face supérieure, avant de passer au suivant, à côté de Jin.
— Bien, maintenant, toi. Apparemment tu as pris plus cher que les autres.
En effet, le cube devant elle, qui était équipé de deux bras mécaniques, se trouve avec l’un d’eux brisé au niveau du coude et couvert de micro-éraflures.
— Tu seras donc... Arthur !
Et pareillement que pour le précédent, le cube semble se réjouir en se dandinant sur place.
Ainsi de suite, les trois autres autoserv’, Louise, Alfred et Nelson.
— Nelson ?
— Mandela bien sûr...
— Je m’en doutais un peu Sela, mais durant un instant je me suis perdue dans toutes les références que j’ai accumulées.
Selamawit sourit encore... finalement elle va faire un tour à la bio-ferme.
*
24 décembre 2551.
Il est tard, à l’horloge biologique de Selamawit. Elle est devant son assiette vide... un doro wat, sans poulet, mais avec quelques-uns des petits poissons élevés dans le vaisseau, oignons, tomates, piments, qui lui ont rappelé sa terre d’Éthiopie... le dîner a été suivi d’un dessert à la mémoire d’Isla, un pain de céréales, légèrement sucré et agrémenté d’une tartinade végétale.
“Eh hop je me finis ce petit reste de ce champagne... multicentenaire”, pense-t-elle.
— Dis, Sana, tu veux bien me raconter un des repas de veille de Noël de mes chéries ?
— Bien sûr... à quel âge et de qui ?
— Pardon... tu as raison, c’est comme si dans ma tête elles étaient restées ensemble toute leur vie... alors disons, le dernier qu’elles aient passé ensemble.
— Juste avant la mort d’Isla ?
— Ça va me faire pleurer ?
— Il y a des chances, si j’ose dire, Sela.
— Alors allons-y, pleurer me fera du bien, de toute façon.
— C’était un lundi 24 décembre...
Sana marque une pause... et reprend l’histoire.
— Ce jour-là, Isla était déjà bien fatiguée d’une vie au service des autres. C’était dehors, à Howth.
— Mais elle est folle... il fait froid !
— Tu sais bien qu’elle était fière de ses origines nordiques, mais ne t’inquiète pas, elle et Liyara avaient un pull, tu sais, de ces pulls écossais, en bonne laine chaude et tricotée à la main...
Selamawit se souvient, une première larme s’écoule.
— ...et donc, là, au bout du jardin, face à la mer. Elles ont commencé à la fin de l’après-midi, pour profiter du soleil couchant, dans leur dos. Il faisait froid évidemment, mais un merveilleux soleil éclatait de tous ses feux.
— Ça devait être merveilleux. Certainement plus que notre dernier Noël en 2079, à Oban, dans sa famille.
— Je ne sais pas... sourit Sana en parlant... en tout cas, elles se sont fait un plat de légumes du jardin d’Isla et un dessert qu’a préparé votre fille.
— Ah, lequel ?
— Une petite invention nippone-maorie de Liyara ; cube de kasutera au matcha, accompagné d’un coulis de haricots rouges, comme un yōkan fondu, posé sur une feuille cristalline cultivée ; le tout servi avec une émulsion tiède de coco-taro maori.
— Waaaou ! Bon, d’accord, c’est vrai, on s’empriffre trop comme des chancres ce soir-là... mais sinon... après ?
— Elles ont fini le repas au moment du coucher du Soleil. La nuit est venue doucement. Elles sont restées là, silencieuses, regardant la mer, avec en fond sonore du Erik Satie.
— Ah ! Satie... ma rousse adore Satie.
Selamawit pleure, simplement, seule.
Sana ne relève pas le “présent” utilisé par Selamawit... à quoi bon... et puis pourquoi lui dire aussi qu’Isla est morte un peu moins d’un an plus tard, à quarante-cinq ans, le 7 décembre 2097.


[1] Rappel ; le vaisseau Aeon Trace, malgré sa taille imposante, est en forme de “goutte”.

(partie 3 épisode 6, mardi 1er juillet 2025)