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Imaginaire n°641
mercredi 1er mai 2024
inspiré par
“Les leurres du bien”
d’Yvonne Ernoux
On se trompe des fois, même en croyant pourtant faire le bien.
COUSIN DMITRI
“Une grande maison” disait Natalia Kolinka à ses parents. C’était en effet une grande maison, c’était même la plus grande que l’on pouvait voir dans la campagne autour de Minsk. Les anciens habitants avaient été soit assassinés juste après le coup d’État bolchevique, soit déportés un peu plus tard, par Staline. Seule la grand-mère, une ancienne danseuse à l’Opéra de Moscou, avait échappé à ces furieux, sans doute sa célébrité lui avait servi. Elle était morte en 1956, après le “coup de Prague”.
Quelques personnes qui l’avaient aimé lui firent un enterrement respectueux. Mais ils étaient si pauvres qu’ils ne purent, tant bien que mal, que graver eux-mêmes, maladroitement, son nom, un point d’interrogation pour sa naissance et la date de sa mort, 12 décembre 1956.
Natalia était toujours curieuse, et ce 12 décembre 2021, alors que la pandémie de covid faisait des ravages dans les couches les plus populaires du pays, elle avait voulu aller voir “la” maison.
— Natalia, tu fais ce que tu veux, mais je te rappelle la disparition de l’oncle Sacha il y a peu.
Natalia hausse les épaules et lève les yeux au ciel.
— Oui... je sais maman. Piotr, Georgius et cousin Dmitri aussi. Tu n’arrêtes pas de me le répéter depuis que je suis toute petite. Mais ce sont des histoires à dormir debout. Avec Poutine, faut se méfier de tout.
— Ma fille ! Ne critique pas ce grand homme, crie son père, Illitch, il est le garant de nos traditions.
— Pfffff
Natalia ne dit plus rien et referma sur elle la porte de la maison familiale avant d’aller assouvir sa curiosité.
Lorsqu’elle arriva face à la demeure déshabitée depuis si longtemps, elle fut saisie par son bon état général, un peu comme si des esprits l’entretenait. “Mais entretenir quoi ? Et pour qui ?” se demandait-elle. Qu’avait vraiment de spécial cette maison à l’allure hautaine de propriétaire terrien ?
Devant la poignée de la porte d’entrée, elle hésita un moment ; regardant de droite et de gauche si un esprit l’épiait.
Le ciel était gris, un vent froid transperçait ses os. Elle ouvrit la porte.
La grande entrée silencieuse l’accueillit, glaciale. Il y avait une porte de chaque côté. Elle hésitait de choisir. Fallait-il rebrousser chemin ou pas ?
Un bruit, comme un couvert qui tombe dans un plat en verre, rompit l’absence de vie. Elle sursauta et attrapa la poignée de la porte d’entrée pour s’enfuir. Mais la porte résistait et l’empêchait d’échapper à cette emprise. Elle essaya de la forcer à lui obéir. Rien n’y faisait.
De derrière elle, une main froide se posa sur sa hanche. Elle se figea, roide et retenant sa respiration, comme si ça pouvait arranger les choses.
— Natalia ?
Elle se retourna, surprise qu’on puisse savoir qui elle était ; et reconnut alors immédiatement “cousin Dmitri” même s’il était d’une blancheur incroyable. Elle ne l’avait pas vu depuis sa disparition, en 2008, il n’avait pas changé, il était toujours ce jeune adolescent aux cheveux bouclés qu’elle avait vu la dernière fois, il y a treize ans, rentrer dans l’immeuble du Nachi[1]. Elle se le rappelait maintenant, elle qui avait complètement oublié le défi qu’elle lui avait assigné : “Tu dois rentrer chez eux, et faire semblant de t’inscrire”. Tel était le gage dangereux de Natalia à Dmitri.
Il ouvrit la bouche. Natalia était heureuse de le revoir et elle souriait. Il s’exprima d’une voix caverneuse.
— Camarade, tu dois t’inscrire toi aussi !
[1] Mouvement de la jeunesse poutinienne.