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LA CHANCE
DE LA MIGRATION,
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Treize Nouvelles
Première nouvelle
CONQUÉRIR DE LA TERRE
Moctezuma se redresse dans son lit, en sueur.
L’immense pièce qui lui sert de chambre est à peine éclairée d’une douce lumière venant des lampes à huiles parfumées. Sa douce Xochitl qui avait accompagné l’Empereur et l’avait aimé, avait ajouté un parfum d’orchidée. Il n’y a apparemment rien à craindre.
Pourtant son regard se porte de tous côtés dans un affolement qu’il ne maîtrise plus.
“Quetzalcóatl !” pense-t-il, alors que l’image du serpent à plumes le déchiquetant hante encore son esprit.
Il se lève, tremblant. Xochitl dort encore, dans l’alcôve qu’il lui est réservée, car il n’est pas question pour une simple humaine de partager la couche du tlatoani, du demi-dieu.
Il s’approche, écarte le léger tissu qui ferme à peine l’endroit privé de sa servante.
Doucement, il l’appelle.
— Xochitl ?
Il s’assied et lui caresse l’épaule avec infiniment de douceur.
— Xochitl ?
Elle ouvre un œil, apercevant son amant dans la pénombre, elle se relève assez inquiète.
— Qu’y a-t-il Nochteotl[1] ?
Il la regarde, se demandant s’il a bien fait de venir vers elle. Les ombres inquiétantes du dieu volent toujours dans sa tête. Peut-être devrait-il en parler plutôt à Cuitlahuatzin, le Ticitl[2] du palais royal.
— Rien ma douce, je pensais à toi et j’ai eu envie de venir te voir dormir.
— Mais vous m’avez appelé ?
Il lui sourit, ne lui cachant que la gravité de ses questions.
— J’aime dire ton nom, ma Nochtli[3]. Je ne voulais pas te réveiller.
Elle pose sa tête sur l’une de ses cuisses, le couvrant de caresses naïves. Tandis que lui, passe ses mains dans ses longs cheveux noirs.
Ils restent silencieux quelques moments dans ce moment de grâce partagée.
Une larme coule sur la joue de Moctezuma, tellement touché par l’amour que lui porte sa servante.
Il baisse la tête lentement, lui prend le menton et pose sur ses lèvres un baiser affectueux.
— Merci Nochtli.
Elle s’aperçoit de la larme, mais ne dit rien. Elle ne fait que lui sourire.
— Désirez-vous de moi ?
Il lui caresse la joue, tout en regardant dans la nuit calme, les étoiles par la fenêtre.
— Non, je vais aller voir le Ticitl. La nuit tire à sa fin[4]... Cuitlahuatzin ne m'en voudra pas, il est compréhensif.
Avant de refermer ses paupières, elle se reborde tout en plongeant ses yeux verts dans ceux de Moctezuma.
— Oui, c’est un grand homme, sage et doux.
Il se relève doucement.
— À tout à l’heure, rendors-toi.
Alors qu’il sort de ses appartements, il est surpris de ne pas voir les gardes espagnols, qui le surveillent depuis leur arrivée, en novembre 1519.
Quelques minutes plus tard, Moctezuma s’approche des appartements de son ami Ticitl. Le garde habituel est sur le côté de la porte. Il se redresse à l’approche du demi-dieu.
— C’est toujours toi, Tezcatl, qui garde notre Cuitlahuatzin ? Mais pourquoi n’y a-t-il plus de ces étrangers pour surveiller nos faits et gestes ?
Il ne répond pas, mais exprime son incompréhension d’un mouvement des yeux en ouvrant la porte devant Moctezuma.
En passant, il tapote l’épaule du garde.
— Merci, Tezcatl.
Même si le garde avait connu l’Empereur alors que ce dernier était jeune. Et que lui, Tezcatl, trentenaire à l’époque, lui avait appris le maniement de la tepoztopilli[5], il trouve le comportement social de Moctezuma un peu déplacé. Mais évidemment, il ne manifeste pas sa réprobation.
L’Empereur entre et referme la porte derrière lui. Il a la tête baissée, non seulement les Espagnols ont disparu mais il se demande déjà si ça n’explique pas son cauchemar.
Cuitlahuatzin, qui dormait paisiblement, avait entendu la porte s’ouvrir. Aussi, il était déjà debout quand Moctezuma arriva dans la pièce où il couchait. Son jeune amant, lui, était toujours dans ses songes.
L’Empereur, regarde le lit et s’adresse à son ami sur un ton légèrement taquin.
— Je vois que ton cher Xochipilli accompagne toujours tes nuits.
— Toujours, Altepetl Tlatoani[6], dit-il, souriant, légèrement moqueur. Mais je suppose que tu ne viens pas encore me reprocher mes amours, c’est déjà assez compliqué avec ces étrangers qui n’ont pas ta largesse d’esprit.
— En effet, ce n’est pas cela qui m’amène. Et puis, à quoi cela servirait-il sauf à me fâcher avec mon meilleur ami. Non, j’ai fait un rêve sombre.
— Ah ? Tu commences à m’inquiéter.
Ils s’assoient tous les deux non loin, chacun sur un coussin, avec entre eux une belle table basse sculptée, sur laquelle est posé un flacon de pulque et quelques petits bols en argile.
— Je te raconte.
Xochipilli se réveille. Son grand amour, Cuitlahuatzin, est allongé à côté de la table basse, il tient un bol d’argile vide dans sa main. Le soleil éclaire ses pieds nus... il ronfle paisiblement.
Hernán Cortés, non loin du palais, dans les quartiers qu’il s’est réservés, s’est levé. Sur le balcon, en ce petit matin du 29 juin 1519, il fait beau et chaud déjà. Le soleil a entamé sa course diurne. Quand soudainement, il remarque au loin, Moctezuma au pied d'un temple, en train de refermer une porte qu’il ne connaissait pas.
Se retournant, il crie à travers la pièce.
— Qu’on appelle Gonzalo[7] !
— Mi capitán, qu’y a-t-il ?
Cortés a l’air très en colère. Il tourne en rond dans la pièce, les bras dans le dos.
— Je le savais ! Je le savais ! Il nous cache son trésor !
L’air ahuri de son ami, le capitaine Gonzalo, le persuade de s’expliquer.
— Tu sais que j’avais essayé de lui tirer les vers du nez, en novembre dernier, et surtout après le soulèvement d’avril[8]... je viens de le voir fermer une porte secrète.
— Mi capitán, tu penses à quoi ?
— Avec toi, nous allons aller faire parler Moctezuma. Je l’obligerai à nous donner son trésor, celui dont je suis sûr qu’il cache là, sous ce temple païen.
Le corps sans vie de Moctezuma est emmené par un soldat.
Les deux soldats ont réussi à ouvrir la porte qu’ils pensaient qu’elle cachait un fabuleux trésor. En fait de trésor, ils sont devant les archives écrites des Aztèques.
— Regarde, Hernán, mi capitán... il n’y a rien.
— J’aurais juré !
— Et maintenant que tu as tué Moctezuma[9], s’il a un trésor caché...
Cortés, soudainement, relève la tête. L’œil pétillant.
— Mais nous avons la terre !
Désignant les étagères remplies de rouleaux de papier d’amate contenant les archives aztèques, Gonzalo est perplexe.
— Et ça ?
— On le brûle !
[1] Surnom en nahuatl, à la fois tendre et respectueux, que peut employer une servante au tlatoani. On peut le traduire par “mon seigneur puissant”.
[2] Guérisseur, devin, interprète des présages et des rêves.
[3] Surnom en nahuatl tendre et affectueux qui se traduit par “figue de barbarie”.
[4] En effet, les aztèques et particulièrement le tlatoani, savait “lire” le ciel nocturne et connaître plus ou moins le moment de la nuit selon la position des étoiles, des constellations et les phases de la lune.
[5] Arme aztèque à longue hampe qui mesurait à peu près la taille d’un homme.
[6] On peut traduire cela par “chef de la cité”.
[7] Gonzalo de Sandoval, capitaine et ami fidèle de Cortès.
[8] Le 20 avril 1520, Massacre du Templo Mayor pendant les fêtes rituelles, les espagnols massacrent les prêtres et toute l'aristocratie réunie pacifiquement dans le temple avant que le peuple ne se soulève.
[9] Historiquement, la raison de la mort de Moctezuma est restée inconnue.
(samedi 29 novembre 2025, deuxième Nouvelle “Drapeau de conquête”)