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LA TROISIÈME ESPÈCE
Chapitre 27
LA RÉUNION
Il est près de dix-huit heures quand le Christina O mouille au large du port de Saint-Denis de La Réunion.
— Merci commandant, c’est fort instructif de faire ce voyage avec vous, dit Samy en quittant le poste de barre.
— Vous dormez ici, monsieur Darge ? demande très poliment le commandant.
— Je pense, oui... j’aime cet environnement nouveau pour moi, et j’ai envie d’en ressentir toutes les émotions... et j’avoue que le luxe de ce yacht ne m’indiffère pas.
— Alors permettez-moi de vous inviter à bord pour le dîner, j’aurai plaisir à vous avoir à ma table.
Samy, enchanté d’être ainsi invité, répond très souriant.
— Bien, bien... merci
Passé le port, ses quais où grouillent les dockers au travail, ses hangars vidés ou remplis, ses grues de déchargement ou chargement. Tout un monde en activité alors qu’une petite bande, Einar, le professeur Meier, Théo, Réginald et Samy, accompagnés d’Édouard et Henry, se dirige vers la ville, un peu plus haut, ayant laissé les autres sur le navire, à leur farniente.
Einar demande son chemin.
— Pardon ma brave dame, savez-vous où se trouve l’Hôtel L’Émeraude ?
La vieille dame le regarde comme une vieille chaussette.
Théo sourit sous cape.
— Einar, je crois qu’il vaudrait mieux demander au marchand de journaux... là.
— Vous avez raison, Théo ! Lorsque Samy n’est pas là, vous vous révélez d’une aide précieuse.
— Ah oui, c’est vrai ?... À ce sujet, vous savez où il est allé l’animal ?
Einar se retourne et montre du bout du nez Samy le regard au ciel, les mains sur les hanches.
— Regardez-le, c’est comme s’il découvrait le monde à chaque pas.
Une bonne demi-heure plus tard, après avoir demandé ici et là, la bande arrive à l’hôtel L’Émeraude, qui porte bien son nom. C’est un bijou d’architecture moderne, où le béton blanchi se mêle au verre et au métal sur cinq étages.
— Sobre et élégant, résume Samy.
Einar, avant de se diriger vers l’accueil, se tourne vers ses compagnons.
— Attendez-moi là, je vais réserver... combien de chambres ?
— Moi, dit Théo immédiatement en levant le doigt.
— Pas moi, Einar, j’ai envie de goûter à une nuit de charme et clapotis, dit doucement Samy.
— Pareil pour moi, dit poliment Édouard, ça me rappellera un peu mes nuits de jeunesse sur le Normandie[1].
— Eh bien je ferai le guet alors dans ce gourbi, ironise Henry.
— Je suis certain que tu t’en tireras très bien tout seul. Je ne pense pas que les tarés soient déjà là.
— Vaut mieux prévenir...
— ...Que guérir, je sais Henry !
Après avoir réservé les chambres, Théo propose à tous d’aller dîner en ville.
— Je suis invité par le capitaine, vous m’accompagnez monsieur Judel ? s’enquiert Samy.
Presque étonné d’être ainsi convié par l’un de ses “clients”, un large sourire barre le visage d’Édouard.
— Mais avec joie monsieur Darge, avec joie !
— Bien, eh bien, nous irons sans vous, conclut Théo légèrement fâché.
Tout le monde se sépare sur cet entrefait quand le soleil disparaît totalement.
La soirée a été agréable, courte mais agréable, tout le monde, fatigué, est allé se coucher assez tôt. Le lendemain matin, le petit groupe de la veille se réunit, et après une marche d’une bonne heure, ils se trouvent à l’adresse du chaman Tehurua.
— Bien, la maison de Tehurua est ici, montre Einar.
— Une case oui, précise Théo.
— Avec son petit jardin créole, c’est tout simple à souhait. Charmant même, conclut Samy.
Sur les hauteurs, par un chemin sinueux, en effet, ils ont réussi à trouver l’adresse qu’un vieux monsieur leur a écrit sur un bout de papier après avoir essayé de le leur dire : “Lor la Route Montagn’, la kaz blan avek so volet rouz, anba gran banyan ki i lonz’ la route”.[2]
Alors qu'ils sont devant la porte, Einar paraît étonné.
— Il n’y a pas de sonnette ! dit-il, assez surpris.
C'est Théo, d’autorité, qui frappe à la porte.
Quelques instants plus tard, des pas traînés se font entendre, avant que la porte ne s’ouvre sur un homme légèrement courbé, très mince, au visage rayonnant. Il est habillé d’une salopette bleue, délavée mais d’un aspect presque neuf, une chemise verte et un très vieux chapeau de paille.
— Tehurua ? Tehurua Manuariki Tahuata ? demande doucement Théo.
— Oui ?
— Nous avons connu Llewellyn Percy...
— Llewellyn ! répète-t-il joyeusement en se relevant, que devient cette si chère amie ?
— Je suis désolé, mais elle a été assassinée, à cause... mais pouvons-nous entrer ? chuchote presque Einar.
— Mais bien sûr, la cabane n’est pas très grande, mais ça ira, si vous vous contentez de ce banc, fait l’hôte en montrant une planche de bois sur deux bidons.
Tout le monde s’assied.
— Voilà, pardonnez-moi, je vais être direct, commence Einar, c’est à cause d’un livre qu’elle a été tuée... un livre aux fines feuilles de métal !
— Le livre ? C’est donc vous dont elle m’a parlé avant de devoir aller voir son pasteur...
Einar le coupe un peu gravement pour lui apprendre que justement, c’est ce dernier qui est la cause de la mort de son amie.
— Je comprends mieux... mais... pourquoi voudriez-vous ce livre ?
Cette fois, c’est Théo qui prend la parole.
— Parce que je suis... nous sommes sûrs que cela est en rapport avec une très très ancienne civilisation. Mon ami, là...
Il met la main sur l’épaule d’Einar.
— ...Est en possession d’une feuille de ce livre, mais il nous a été impossible de la lire.
Le chaman sourit doucement.
— C’est une évidence. C’est donc vous qui avez la feuille manquante ?
— Oui... enfin... lui.
— Comment êtes-vous en sa possession, c’est très étonnant.
Einar sourit mystérieusement.
— Un... vieil ami... enfin... une connaissance.
— Bien, bien... mais vous savez, cette langue n’a pas été parlée depuis plusieurs millions d’années.
Des regards de batracien se plongent dans les yeux de Tehurua.
— Mi... mil... millions ?
— Oui.
— Mais alors, vous savez ? Et comment faites-vous pour la lire ? demande Théo incrédule.
— Il ne vous a pas échappé, si vous connaissiez Llewellyn, que je suis... chaman ? dit-il souriant.
[1] Célèbre paquebot de la jet-set dans les années 1930.
[2] En créole : “Sur la route de La Montagne, la maison blanche avec ses volets rouges, sous le grand banyan qui longe la route.”
(chapitre 28, jeudi 20 novembre 2025 “île Kerguelen”)